DANA : MÈRE TERRE CULTE
(texte par Rhiannon ) Elle est l'équivalent celtique de la très populaire Gaïa. À elle seule, elle représente plusieurs aspects des deux déesses terrestres Gaïa et Déméter. Elle est la mère des dieux et des humains, le « peuple de la déesse Dana » ou « Tribu de la déesse Dana », les Thuatha de Danann portent encore et toujours son nom. Elle peut être Dana, Danu, Ana, Anna, Anu, Dôn. Pourtant, personnellement, je trouve qu'on ne lui fait pas autant de place qu'à certains autres dieux et déesses. Moins connue, il me semble, que son célèbre père Dagda. Moins en avant scène que plusieurs de ses consoeurs et filles. On a qu'à penser à quel point Brighid, La Morrighane ou Rhiannon sont populaires et connues. Peut-être est-ce bien ainsi, peut-être que la Grande Mère Divine des Celtes n'a pas besoin en effet de tous ces hommages et cette reconnaissance. Pourtant, il me vient l'envie de parler un peu de cette déesse que j'affectionne particulièrement. Et qui parle de Déesse Mère, ne peut pas en parler sans effleurer le concept du mythe de la Création, ainsi que l'égal et complice masculin d'une telle Déesse. Ce sera aussi traité un peu en fin d'article.
Ses différents noms et visages (autres noms et liens avec d'autres déités) :
Qu'elle soit le visage maternel d'une triple entité féminine, je ne doute pas. On fait souvent l'association Brighid-Dana-Morrighane. Cela a du sens. Pourtant, elle est à elle seule, la Déesse Mère. Déesse Mère de la terre d'Irlande, mais elle EST la Terre. Elle
est la mère de toute vie, autant chez les dieux que chez les humains. Son nom est si ancien, qu'on en a oublié d'où il vient; quoiqu'il existe quelques pistes, quelques liens. De ceux qui la relie à la Diane des romains, à cette Sainte-Anne, mère de la Vierge Marie, mère de Jésus. Les déesses celtes sont nombreuses à avoir été avilies ou réduites au statut de sainte, selon ce qui arrangeait les « romanciers » qui ont réécrit l'histoire biblique de Jésus. Ces changements d'attitude et de comportement ont largement influencé le démantèlement du culte de la Déesse. Désillusionnées et meurtries, les femmes se réconfortèrent en trouvant dans la Déesse un aspect qui leur donnait courage. Les jeunes filles s’associaient à Freyja; les femmes adultes et les mères étaient attirées vers Frigg; les femmes plus âgées ou les femmes téméraires et colériques se tournaient vers la féroce Skadi ou vers les Valkyries, celles qui ne peuvent être conquises. Dana, cette grande divinité irlandaise, mère mythique de la dernière génération des dieux (dans les mythes, légendes et contes qui nous sont parvenus) qui régnèrent sur l'Irlande; les Tuatha de Danann, a laissé son nom à des rivières et aux collines jumelles nommées « Dé Chich Anann » (les seins d'Anu). Aujourd'hui, elles s'y rapportent encore en étant connues comme « The Paps » et elles dominent une vallée à une vingtaine de kilomètres à l'est de Killarney. Pour les Gallois, elle avait comme équivalent de Dôn (fille de Mathonwy, soeur de Math et épouse de Béli. Mère de nombreux dieux, dont entre autres : Arianrhod, Amaethon, Govannon, Gwydyon, Gilvaethwy et Nudd.) et chez les Gaulois, elle avait comme équivalent la pourvoyeuse et maternelle Nantosuelta. On peut cependant croire sans mal, que Dana, Ana, Dôn ou Anu fut pour les peuples et tribus celtiques, la plus ancienne représentation de la Déesse Mère et que tous la vénéraient comme telle. La Dana des Irlandais aurait eu pour époux, selon certaines sources, le dieu Fomore Bress.
Portait de la Grande Mère :
Elle incarne la fertilité et la richesse de la Nature; étant souvent associée à des animaux ou des nourrissons (déesse d'abondance, on la compare parfois à Déméter ou Gaïa). Elle était grande protectrice des enfants et de la famille. S'il existe en Irlande et comme dans les autres pays celtes, de nombreuses déesses mères, (par exemple; Eria - l'Irlande-, Bamba et Fotla, trois autres déesses de la Terre), Dana est à part. Elle incarne la Terre - l'Irlande - mais aussi, la Terre Mère entière et vivante et elle est la mère de toute vie. Elle demeure le reflet perdu et oublié de cette femme celte des sociétés celtiques. Elle qui a laissé son nom à une tribu de dieux, démontre encore que chez les Celtes, certains dieux et certains hommes étaient nommés par ascendance maternelle. Elle n'est pas simplement une déesse mère fertile et reproductrice; c'est une femme et une mère forte de se connaître et d'être douée du pouvoir de donner la Vie. Et ce, aux dieux comme aux hommes. Elle est à l'image des femmes celtes qui étaient loin d'être de simples reproductrices comme ce fut le cas chez les chrétiens. Dana est une trace subtile, silencieuse et pourtant encore présente, d'un matriarcat qui a sans aucun doute teinté la société irlandaise au temps des Celtes. On peut facilement supposer, bien qu'on ne doive pas prêter aux anciens des sentiments qui nous sont contemporains (tel le féminisme), que la place des Celtes au féminin était liée à celle des déesses de la mythologie celtique. Dans un esprit d'égalité et d'équilibre, que nous avons malheureusement perdu, et que nous avons encore bien du mal à retrouver. Tout comme nous avons perdu la trace de cette Dana, grande mère terre, qui a tant à dire encore aux femmes et mères d'aujourd'hui, mais que l'on a effacée et rendue muette. La confinant tout au plus dans le rôle de la mère effacée et aux origines pleines d'ombres de la glorieuse Vierge Marie. Il reste si peu de Dana! Pourtant, on peut encore l'entendre et la rencontrer... On a voulu la faire taire et la faire disparaître, la travestir et la déguiser... Mais elle a laissé plusieurs traces pour celui/celle qui désire vraiment la retrouver. De son nom laissé à une tribu de dieux ou aux rivières et collines. Du fond des âges, elle chante et nous berce encore.
Symbolisme, facettes et liens : Ses animaux sont : la grue, l'aigle, le corbeau (rappel d'un lien avec La Morrighane avec laquelle elle est parfois liée dans le concept de triple déesse). Qu'elle soit la Mère que devient la Brighid, fille/femme-fleur d'Imbolc, et/ou le côté maternel de la sombre Morrighane, cette déesse mère est symbole d'abondance. Elle a été jeune et lumineuse comme Brighid, elle donne la vie et Morrighane la reprend. C'est le cycle de la vie-mort-vie, entre les mains de déesses distinctes mais complémentaires/complices, à la fois trois et une. Ses prêtresses étaient à la fois celles qui accueillaient la vie (des sages-femmes) que celles qui accompagnaient la mort (s'occupant de rites funèbres). Les feux sont allumés pour elle au milieu de l'été. Elle est liée à la célébration du solstice d'été. Elle est la gardienne des ventres ronds, des jeunes vies. Elle est prospérité, chaleur et réconfort. C'est une mère; c'est la Mère de toutes les mères, point. Elle est l'une des plus antiques déesses celtes. Dana est la mère des Tuatha de Danann, qui plus tard, ont été réduit aux Daoine Sidhe : les « Gens du Sidhe » ou « Habitants du Sidhe », de l'Irlande. Elle a été priée, vénérée et célébrée en tant que mère des dieux, qui est au-delà de tous autres dieux de ce monde. Le nom de Dana signifie sagesse ou enseignante, ou bien, selon le mot anglais don (relié à la déesse Dôn qui est aussi Dana) ou donation, qui tirent leurs racines du mot donner. Elle est la Mère des enfants de la tribu de Dana. De nos jours, les irlandais de par leur vénération de la bonne Ste-Brigitte, rendent hommage à la mère divine (Dana) du peuple dont ils ont fait désormais, la mère du petit peuple - ou peuple des fées- invisible, de l'Irlande moderne. La mythologie et la littérature de l'ancienne Irlande, portée jusqu'à nos jours, ont fidèlement préservé une image claire de la Tuatha de Danann et de leur Déesse et Mère. Son nom est souvent associé au Danube. Il y a également des spéculations quant au fait que, dans la période Proto-Celtique, le nom Danu fut relié au nom de la rivière Don en Russie. Dôn, la déesse galloise, est l'équivalente de Dana l'irlandaise et il semble très probable qu'elle ait immigré d'Irlande de par la connexion qui peut être faite entre les points communs des enfants de Dôn et ceux de Dana. En effet, ils correspondent de manière assez précise dans leurs personnalités et fonctions. Don est également reliée à la rivière Don en Écosse. Dans la mythologie indoue, il y a également une déesse Danu dont le nom signifie « les eaux du ciel » ou « jet d'eau ».
Diversité et confusion :
La déesse Danu était la déesse et mère des Tuatha Dé Danann. Sur ce point, tous s'entendent. Les mythes celtes sont complexes et ce qu'on en retient ou ce qu'on en comprend ne simplifie rien. Il existe beaucoup de questions sans réponses, ou ayant trop de possibles réponses et interprétations. C'est le cas des mythes entourant Dana. Elle est en particulier associée à la province de Munster avec son sol fertile, et a été connue comme Anu dans cette contrée. Les Tuatha Dé Danann sont tous ses descendants. Certains érudits croient qu'Anu était la déesse primordiale de la Terre et que Danu est seulement le nom que lui ont donné des auteurs du 19ème siècle. Cependant, les auteurs du 19ème siècle étaient si populaires que maintenant, la plupart des gens n'ont retenu que le nom de la Tuatha de Danann et celui de la déesse Danu. Il y a également une école de pensée qui croit que son nom est Danand et qu'elle a partagé la couche de Delbaeth (Tuiraenn) fils d'Oghma, son propre père pour donner naissance à Brian, Iuchar et Iucharba. D'autre fois, bien que ce soit Lugh, le Dagda et Oghma, ou Luchta, Goibniu et Credne qui sont connus en tant que les trois dieux de Danann, la plupart des traditions maintiennent que la déesse Brighid est la mère des fils de Tuireann. Il est commun donc, que Danu soit mentionnée comme étant la mère des « Trois Dieux des habiletés » (Lugh, Dagda, Oghma) ou des talents (Lachta, Goibniu et Credne) afin d'en faire la source ultime de tous les arts et savoirs. Un autre exemple des confusions existant dans les mythes; qu'ils soient celtes, grecs, romains ou même bibliques. Cependant, cet angle de vue fait un lien avec le cas où l'on fait de Dana l'épouse et l'égale du Dagda, qui est son père et le père des dieux et des hommes. Alors qu'elle est la Mère des dieux et des hommes... Comme quoi les idées et spéculations se recoupent... Une chose est sûre; Dana est une Déesse d'eau et de terre.
Danu et Bile L'Arbre Sacré :
Il n'y a pas à proprement parlé d'histoire de la Création dans la mythologie irlandaise qui a survécu ou aurait été traduite. Pourtant, si Dana est la Mère des dieux et des hommes, si elle est la Terre... Comment peut-elle être à la source de tout, si elle-même est parfois vue comme la fille du dieu des dieux, le Dagda? Qui est-elle, d'où vient-elle et comment peut-elle être à l'origine de tout? Nous tirons quelques informations du Lebor Gabala Erenn (Book of Conquests of Ireland), un texte du Moyen Âge Chrétien, au sujet des Tuatha de Danann, venus en Irlande du ciel ou des îles du nord du bout du monde. Ils sont présentés comme des mages habiles qui ont appris leur art dans quatre villes, et apportant avec eux quatre trésors magiques: la Pierre de fal-de Falias; la Lance de Lugh-De Gorias; l'épée de Nuada-de Findjas; et le Chaudron du Dagda-du Murias. C'est désormais un fait reconnu et accepté, les Tuatha de Danann sont en fait les déités de l'ancienne religion et des anciens cultes, des Gaëls. Les moines chrétiens qui ont transcrit les contes et les mythes, ainsi parvenus jusqu'à nous, ont pris certaines libertés et ont changé certains aspects de ces mythes et légendes. C'est à nous de savoir trouver sous des couches épaisses de falsifications et rectifications chrétiennes, les traces et bribes de l'ancienne religion. Par coup de coeur, intuition ou appel plus fort que soi, par intérêt ou par amour de nos racines. Au coeur de toutes ces données demeure un mystère et Dana en est le coeur, car qui peut dire qui elle était? Qui peut dire qui elle est? Est-elle celle à partir de laquelle on a modelé Lilith? On encore Ève, mère des chrétien? Ou Marie la Vierge Mère de Jésus, ou Anne la Mère de celle-ci, comme on peut découvrir des liens entre elles? Qui a déjà entendu parler de Bile? Il est au moins aussi mystérieux que la déesse Dana. Il est apparenté au dieu Bel et Bélénos le Père, celui que l'on célèbre le premier mai, à Beltaine. C'est un dieu lumineux qui est aussi celui des morts et que l'on nomme parfois Père des Dieux et des Hommes, comme on le fait pour le Dagda. Il se trouve encore plusieurs endroits nommés d'après le nom de Bile à travers l'Europe. À Londres, Belenus' Gate est devenu Billingsgate, « Bile's Gate ». On présume que les têtes des morts des rites celtiques au départ, étaient prises et emportées par cette «porte» jusqu'à la Tamise. Des centaines de squelettes de la période celtique ont été découverts dans la Tamise, dans les environs de Londres, ainsi que d'autres offrandes votives. Il est à noter que les anciens Celtes croyaient que l'âme reposait dans la tête, et non dans la région du coeur, tels que les chrétiens occidentaux le croient maintenant. De là le pourquoi de l'importance et des rites et pratiques qui entouraient la tête chez les anciennes sociétés celtes (de nos jours, dans leur conception triple de la chose, les druides modernes croient que c'est l'esprit qui a ses « quartiers » dans la tête). Donc, dans un tel mythe de Création chez les Celtes, Dagda devient le fils de Dana et, Bile, son amant et égal. Le Dagda serait donc le fils de Dana et Bile. C'est ainsi que Dana reprend sa place à la source de toute vie (il n'est pas rare que l'on doive regarder les choses à l'envers pour pouvoir les remettre à l'endroit et trouver le sens des mythes transcrits par des moines qui étaient à la fois des chrétiens et des hommes). Dana, l'eau et la Terre, qui a arrosé et abreuvé le Chêne, qui est Bile, en tant que symbole de fertilité masculine. Ainsi est né Le Dagda, qui a donné naissance à une pléiade d'autres dieux. Bile est le vieux terme irlandais pour désigner un arbre sacré tout en étant à la fois une manière de décrire un noble guerrier. Dans un certain angle, on peut voir autrement aussi la fonction qui est sienne d'emmener les âmes des morts dans l'autre monde, alors qu'il le fait via l'eau. Quand on sait que l'eau, depuis fort longtemps, est celle d'où naît la vie et qu'elle figure de « mer-mère » de toute vie, qu'elle fut et est encore au coeur de tant de cultes qui la vénèrent d'une manière ou d'une autre, alors, on peut voir en Bile cet égal de la Déesse Mère Danu, celui qui lui emmène les morts pour faire naître la vie. Il lui emmène les morts, et sème pourtant aussi la vie en son sein. Bile est l'arbre/axe du (des) monde(s) (comme Yggdrasil dans la tradition nordique). Certains comparent Bile à une sorte de Hadès, var il est un dieu portant les morts vers son équivalent divin et féminin. Il est l'arbre du monde, qui s'élève vers le ciel et danse dans le vent, tout en plongeant ses racines dans les chairs de la terre et s'y abreuvant. Ce sont certes des images fortes et évocatrices.
Bibiographie :
1. The Pagan Celts-Anne Ross
2. A Circle of Stones: Journeys and Meditations for Modern Celts-Erynn Rowan Laurie
3. L'Encyclopédie de Mythologie-Arthur Cotterell
4. The Druids Peter-Berresford Ellis